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En mémoire du professeur Gong Hwangcherng
CNRS - Guillaume Jacques

        Les études sino-tibétaines et tangoutologiques sont endeuillées par la disparition prématurée du professeur Gong Hwangcherng. Ce grand savant a consacré sa vie entière à la linguistique historique sino-tibétaine, et a apporté une contribution considérable aussi bien sur l’étude de langues particulières que sur le comparatisme de la famille dans son ensemble. Il nous laisse en outre une quantité importante de travaux que la maladie ne lui avait pas permis d’achever.

        Parmi toutes les langues sino-tibétaines, c’est le tangoute qui fut le domaine de prédilection du professeur Gong. Son œuvre fait désormais parmi des références incontournables sur cette langue. Avant ses travaux, le tangoute était essentiellement une curiosité philologique ; ses nombreux articles sur la morphologie du tangoute et sur le comparatisme ont mis a jourl’importance fondammentale de cette langue pour l’étude historique du sino-tibétain.

        Ses études sur la morphologie ont porté sur un domaine jusqu’alors presque vierge : les alternances consonantiques et surtout vocaliques. Ce travail a permis d’une part d’améliorer la reconstruction phonologique du tangoute, et d’autre part d’apporter un éclairage sur certains phénomènes qui changent radicalement notre compréhension de la grammaire de cette langue.

        Je tiens à mentionner en particulier deux articles qui me semblent avoir une importance considérable aussi bien pour la tangoutologie que pour la linguistique sino-tibétaine en général.

        Premièrement, son article de 1999 sur le causatif en tangoute montre que bien que le tangoute ait perdu des groupes de consonnes initiaux de type *s+C, il préserve clairement une trace de la préinitiale *s-. Si cette idée remonte en partie à Sofronov, c’est Gong qui l’a prouvée par des données comparatives, et qui en a déduit la préservation indirecte du préfixe causatif *s- pour un nombre important de verbes.

        Deuxièmement, son article de 2001 sur le rôle des alternances vocaliques dans le marquage de la personne prouve que le système d’accord du tangoute n’est pas limité aux trois suffixes ŋa², nja² et nji² comme on le croyait alors, mais se marque aussi par des alternances vocaliques pour une classe fermée de verbes irréguliers. Nishida avait suggéré brièvement l’existence de ce phénomène dans une publication antérieure, mais c’est à Gong qu’il revient le mérite de l’avoir systématiquement étudié et prouvé par davantage d’exemples textuels. Son travail révolutionne notre compréhension de la grammaire du tangoute, et en particulier constitue une preuve importante de l’antiquité de l’accord en tangoute. Il montre que cette langue, sous son aspect phonologiquement érodé, est en fait extrêmement conservatrice, d’une façon comparable à celle du vieil irlandais en indo-européen.

        Cet article a été aussi très important pour moi personnellement ; en 2001, le professeur Gong m’en avait donné un tiré-à-part lors d’une conférence, et c’est en l’étudiant en détail et en apprenant toutes les phrases d’exemple qui illustraient sa démonstration que j’ai commencé l’apprentissage systématique du tangoute ; il est probable que je ne me serais jamais sérieusement consacré à cette langue sans le travail du professeur Gong.

        Un autre apport non moins important de ses études sur la morphologie porte sur la reconstruction phonologique du tangoute. Le professeur Gong a systématisé les travaux antérieurs en faisant usage des alternances morphologiques pour affiner de nombreux détails. C’est cette reconstruction qui a été choisie pour figurer dans le dictionnaire de Li Fanwen, et qui est actuellement la plus utilisée par les tangoutologues de toutes nationalités. On peut comparer l’importance de sa contribution à la reconstruction du tangoute à celle du professeur Li Fang-Kuei pour le chinois archaïque ; son système est plus clair, plus systématique et plus facile à apprendre que ceux de ses prédécesseurs.

        Grâce à sa connaissance du tangoute et du chinois archaïque, le professeur Gong était dans une position unique pour étudier le comparatisme sino-tibétain. Ses articles ont mis à jour de nombreuses correspondances non-triviales, ainsi que plusieurs lois phonétiques en tibétain et en tangoute. En particulier, les lois phonétiques *ty- > c-/ch-, *dy- > j- développées dans son article de 1977 sur l’infixe honorifique -y- mériteraient d’être baptisées ‘loi de Gong’ en l’honneur de leur découvreur.

        Deux travaux majeurs du professeur Gong restent à l’état de manuscrit. Premièrement, son étude de la « Forêt des catégories » n’a jamais été publiée, bien qu’il ait entièrement déchiffré ce texte dès les années 1980. En effet, il n’a pas jugé bon de publier ce travail, dans la modestie qui le caractérisait, suite à la parution d’une édition de ce texte en 1990 par Shi Jinbo, Huang Zhenhua et Nie Hongyin.

        Deuxièmement, son dictionnaire de tangoute, qui comprend en particulier les attestations de chaque caractère dans la « Forêt des catégories » et la version tangoute de « L’art de la guerre de Sunzi », reste à l’état de base de donnée. Malgré la publication du grand dictionnaire de Li Fanwen, cette base de donnée garde un intérêt indéniable et mériterait d’être rendue accessible à un public plus large.

        La disparition du professeur Gong est une perte considérable pour notre discipline, et il restera dans nos mémoires non seulement comme un grand savant, mais aussi comme un homme intègre, modeste et droit.




Professor Gong Hwang-cherng in memoriam

Guillaume Jacques
(English translation by Nathan W. Hill)

        Scholars of Sino-Tibetan and Tangut studies mourn the untimely death of Professor Gong Hwang-cherng. This great scholar devoted his entire life to Sino-Tibetan historical linguistics and made a significant contribution as much to the study of individual languages as to the comparative study of the family as a whole. In addition to his published work a significant amount of work, which illness did not permit him to complete, remain unpublished.

        Among the Sino-Tibetan languages, Tangut was professor Gong’s particular chosen field. His work is now one of the major points of references for this language. Prior to his contribution, Tangut was essentially a philological curiosity, and his numerous articles on Tangut morphology and historical linguistics brought to light the fundamental importance of this language for the historical study of Sino-Tibetan.

        His studies on Tangut morphology focused on an area hitherto almost untouched: consonant and particularly vowel alternations. This work allowed facilitated an improved reconstruction of Tangut phonology, and also shed light on phenomena which radically changed our understanding of the grammar of this language.

        I would like to mention in particular two articles that seem to have considerable importance for both Tangutology and for Sino-Tibetan linguistics in general.

        First, his 1999 article on the causative in Tangut shows that while Tangut lost the initial consonant clusters of type s+C, it clearly preserves a trace of preinitial *s-. Even if this idea originated in part with Sofronov, it was Gong was proved this hypothesis with comparative data, and deduced the indirect preservation of causative prefix *s- for a large number of verbs.

        Second, his 2001 paper on the role of vowel alternations in person marking proves that the agreement system of the Tangut is not limited to the three suffixes ŋa², nja² et nji² as had been previously believed, but is also marked by vowel alternations for a closed class of irregular verbs. Nishida briefly suggested the existence of this phenomenon in an earlier publication, but Gong deserves credit for having studied it systematically and proven this hypothesis with textual examples. His work has revolutionized our understanding of Tangut grammar and is important evidence for the antiquity of agreement in Tangut. He demonstrated that this language, although phonologically eroded, is in fact extremely conservative, in a manner comparable to that of Old Irish in Indo-European.

        This article was also very important to me personally; in 2001 Professor Gong gave me an off-print at a conference, and it was by studying this article in detail and learning every example illustrating his argument that I began to systematically learning Tangut, and it is likely that I would never have seriously devoted myself to the language without the work of Professor Gong.

        Another no less important contribution of his studies on morphology focuses on the reconstruction of Tangut phonology. Professor Gong systematized earlier work while making use of morphological alternations to refine many details. It is this reconstruction that was chosen to appear in the dictionary of Li Fanwen, and is currently the most widely used by Tangutologists f all nationalities. One can compare the importance of his contribution to the reconstruction of Tangut to that of Professor Li Fang-Kuei for Old Chinese; his system is clearer, more systematic, and easier to learn than its predecessors.

        With his knowledge of Tangut and Old Chinese, Professor Gong was in a unique position to engage in the comparative study of Sino-Tibetan. His articles uncovered numerous non-trivial connections and several phonetic laws in Tibetan and Tangut. In particular, the phonetic laws * ty-> c-/ch-, * dy-> j- developed in his 1977 article on the honorific -y- infix merited being dubbed Gong’s law in honor their discoverer.

        Two major works by Professor Gong still remain as manuscripts. First, his study of the Forest of categories was never published, although he fully deciphered the text during the 1980s. Indeed, as was characteristic of his modesty, he found it unfit to publish this work following the publication of an edition of this text in 1990 by Shi Jinbo, Huang Zhenhua and Nie Hongyin.

        Second, his Tangut dictionary, which includes in particular attestations of each character in the Forest of categories and the Tangut version of “The Art of War of Sunzi” remains in draft form. Despite the publication of the large dictionary of Li Fanwen, this material holds an undeniable interest and deserves to be made accessible to a wider audience.

        Professor Gong’s passing is a great loss to our discipline; he will remain in our memories not only as a great scholar but also as a man of integrity, modesty, and fortitude.
Copyright 2010. Institute of Linguistics, Academia Sinica